La Rosita … ( Rosa / Rose / Mamie Rose …)
Tu nous as quitté le jour de la Fête des Mères … toi notre mère, Grand-mère et Arrière-Grand-mère.
Tu as traversé presque un siècle d’existence et ta vie n’a pas été un long fleuve tranquille.
Ta discrétion était ta marque de fabrique, et il est à parier que ce petit texte, (ce court texte rassure-toi) n’aurait pas eu ta bénédiction de ton vivant.
Pourtant nous allons te désobéir une dernière fois car tu mérites cette oraison.
Ce dimanche des avions tournaient, virevoltaient autour de l’Hôpital pour un meeting aérien … Tiens donc !
Mais ces derniers ne lâchaient pas de bombes comme ceux qui ont essayé de te faucher sur les chemins de l’exil, de la Retirada. Toi la jeune fille d’à peine 13 ans, la Rosita que des parents déjà âgés voulaient protéger des atrocités et des exactions de la guerre. Victime d’un cousin très engagé, d’amalgames et de ragots, la guerre civile ne fait pas dans le discernement bienveillant. Il a donc fallu quitter ta vie tracée dans ce petit village d’Aragon. L’exode à pied jusqu’à Barcelone fut une première étape et la panique contagieuse poussa plus au Nord, ton chemin de croix.
Tu passas ton 15ème anniversaire le 4 février 1939 sous une charrette, bloquée parmi des milliers de réfugiés devant cette frontière fermée. Tu n’étais pas la bienvenue.
Après, tout s’accélère dans un tourbillon ; les nuits froides ,la faim, les gares Du Boulou , d’Agen et l’autocar jusqu’au baraquements de l’Usine de Fumel où tu es déversée. Tes valises posées plutôt ton baluchon plus question de bouger on attendra ici la chute du dictateur qui n’arrivera pas.
La guerre de 39 /45 éclate, le chaos est général et il faut survivre. Plus d’école, toi qui aimait tant lire, te voilà au service des maisons des autres, d’un colonel à la retraite, d’une cantine, au directeur de l’Usine.
Tu rencontres alors le beau Julio que ton minois et ta belle silhouette n’ont pas laissé insensible et à la sortie de la Guerre tu te maries.
Te voilà une Fuméloise et Montayralaise à jamais ; les grands Maritchu , Minguin arrivent , tu seras la mère et la femme au foyer aimante qui supporte et protège.
Supporter là aussi c’était ta marque de fabrique une sorte de prédestination ; « Aguantar hay que aguantar » disais-tu avec tes beaux yeux gris bleus.
Supporter aussi et trop souvent, ces crises de foie qui te laissaient clouées au lit. Ce lit qui tanguait, ce mal de mer, ce « mareo » qui te plongeait dans la souffrance.
Les 2 petits, Michel et Julien viendront plus tard et eux aussi tu as su les porter ; la société a changé tu t’adaptes ; traditionnelle et moderne tu fais avec. La fin du siècle défile devant tes yeux qu’importe ; « Es asi » C’est comme cela !
Tu ne veux pas d’histoires ; « à l’école vous devez être irréprochables les enfants … avec le voisinage aussi. On ne doit pas dire que vous êtes mal élevés, ne créer pas de problèmes à votre père, à SAMPEDRO. »
Richard, Sylvie et Valérie épousent tes enfants, et te voilà Grand-mère, te voilà Mamie Rose ; 3 petits-fils et 3 petites-filles, l’équilibre. Discrète et bienveillante, fidèle à ta ligne de conduite tu revêtis le costume de la Mamie à l’écoute, prudente mais qui ne juge pas. Que ce Mamie Rose t’allait bien : joli teint, en rondeur, fraiche, et parfois piquante.
Tu sais trop bien la fragilité des choses donc tu t’inquiètes pour eux. « Y el chiquet o la chiqueta como va »
Comme tu règnes sur la cuisine ; « Il faut manger ! moi qui ne mangeait rien quand j’étais petite »
Tu es la reine des petits plats qui feront le bonheur de Céline, Hélène, Romain,Johan, Lola, Victoria et Lucas bien au-delà des repas d’anniversaire.
Ton mari disparu, 24 ans après tu resteras le point cardinal de la famille. Tu étais la Mama indestructible pensions nous ! Celle qui se remettez de ses crises de foie, de cet enfoncement de la cage thoracique après un accident de voiture, des deuils, de cette vésicule qui faillit détruire ton pancréas, de cette jambe cassée et de toutes les choses que tu nous as caché pour nous préserver.
Difficile pour tes voisines de connaître tes tourments ou tes joies, tu étais discrète. Ton retour grâce à Minguin dans ton village d’origine et sur d’autres destinations espagnoles a nourri quelque peu ta nostalgie mais ta maison était définitivement rue des Fauvettes au n° 9.
Tout cela et bien d’autres choses, nous le raconterons à tes arrière-petits-enfants ; Luce, Elie et Abel cette nouvelle génération qui découvrira tes expressions, tes us et coutumes venues du fin fond de l’Aragon qu’aucun avion ne pourra détruire.